Îlot de chaleur urbain, définition
On désigne par îlot de chaleur urbain (ICU) une élévation des températures enregistrées en centre-ville (notamment des maximales diurnes et nocturnes) par rapport à une mesure relevée en périphérie forestière ou rurale ou par rapport à une moyenne régionale au même moment.
C'est un phénomène physique exclusivement urbain provoquant un dôme thermique dans les zones densément construites, qui accumulent et retiennent plus de chaleur que les espaces ruraux environnants.
Problème, cela exacerbe la chaleur, augmentant les besoins en climatisation et aggravant les conditions de vie, surtout en période de canicule.
Nous mesurons un écart de l’ordre de 1 °C à 4 °C en condition estivale entre ville et campagne (Source CEREMA), quel serait-il dans quelques années sans action d'adaptation ?
À l’heure où le réchauffement du climat s'immisce dans nos vies, nous comprenons que l’homme devra s’adapter dans cette décennie et pour les suivantes à des températures plus élevées et à la multiplication des épisodes caniculaires qui se feront plus extrêmes, plus nombreux et plus longs (Météo France).
Dans ce contexte, le phénomène d’îlots de chaleur urbain prend une ampleur particulière pour nos agglomérations. Il est d’autant plus important qu’aujourd’hui 8 français sur 10 habitent en zone urbaine (Source : Insee, données 2020), le problème nous concernent donc quasi tous.
Pour y répondre, nous devons envisager de modifier nos conditions de vie citadine. Cela nous impose de penser nos métropoles, nos bâtiments différemment, ainsi que nos activités urbaines et ce dans un laps de temps très raccourci.
Comprendre l'influence de la configuration actuelle de nos villes sur l'ampleur des îlots de chaleur
Pour bien comprendre ce stress thermique, il faut considérer les zones urbaines sous un nouvel angle et s’intéresser à la densité, aux matériaux, à l’exposition solaire, aux activités humaines ou à la circulation de l’air.
Notons que le phénomène n’aura pas la même ampleur en fonction des quartiers ou même à l’échelle des rues, chaque configuration étant unique au regard de tous ces facteurs.
La densité des constructions, facteur aggravant des îlots de chaleur.
En milieu urbain, la concentration du bâti due à l'urbanisation créée une surface d'accumulation de chaleur plus importante qu’en milieu rural.
De plus, la multiplication des bâtiments notamment en hauteur fait obstacle à la circulation naturelle de l’air. Le vent, source naturelle de rafraîchissement, est trop souvent bloqué. La ventilation naturelle stoppée, l’air chaud risque de rester prisonnier dans les rues étroites créées par l’homme.
Autre facteur, l’occupation des sols en ville fait la part belle au minéral et laisse bien moins de place à la végétation et à l’eau, véritables puits de fraîcheur.
En conséquence, à la nuit tombée, lorsque les températures descendent en campagne, un échange thermique se produit en ville, les bâtiments font restitution de la chaleur engrangée dans la journée.
L'exposition solaire des bâtiments favorise le stockage de chaleur
La ville est dense, composée de maisons, immeubles, bureaux, écoles, parkings, … Tous exposés au rayonnement solaire et aux infra-rouges.
Chaque matière exposée va pour partie réfléchir la lumière et pour partie l’absorber sous forme de chaleur.
Dans des villes denses et construites en hauteur, la surface exposée au soleil est vaste et renforce d’autant le phénomène d'îlot de chaleur.
Des matériaux restituant la chaleur la nuit
Chaque matériau a une capacité à réfléchir ou à absorber la lumière et une capacité à diffuser la chaleur qui lui est propre.
Cependant, en milieu urbain, le phénomène est alimenté par la présence de matériaux à fort pouvoir de stockage de chaleur comme les toits (noirs bitumés, tuiles, ardoises), les routes goudronnées, la présence de béton, …
Les bâtiments par leurs matériaux même, les axes routiers et les aires de stationnement bitumées participent à la montée en puissance du phénomène d'îlots de chaleur urbain.
Des activités humaines amplifiant le phénomène
Habitant de ces villes, l’homme contribue à accentuer le phénomène par ses activités quotidiennes : déplacements véhiculés, besoins en énergie (électricité, création de fraîcheur dans les bureaux…), notre quotidien génère des gaz à effet de serre. L’homme participe donc lui-même à l’amplification du phénomène qu’il ressent.
Les conséquences variées du phénomène d'îlot de chaleur urbain
La liste des conséquences et des enjeux est longue.
Les premières conséquences portent sur la santé et sur la surmortalité, notamment auprès des populations vulnérables (personnes âgées, enfants, personnes malades et notamment avec des pathologies respiratoires...).
L’épisode caniculaire de l’été 2003 a mis en lumière les conséquences du problème.
La France a connu cette année-là, 15 000 morts supplémentaires du fait de cet épisode de chaleur extrême. La grande majorité des cas ont été enregistrés en Île-de-France où la surmortalité a explosé et notamment celle des populations vulnérables, âgées. On a relevé jusqu’à 8 °C d’écart entre ville et campagne lors de cet événement climatique sur Paris. (Source: CEREMA)
La qualité de vie et le bien-être de la population sont également affectés, jouant à leur tour un rôle important sur l'attractivité des villes. L'inconfort des citadins grandissant avec le réchauffement climatique, comment ne pas anticiper les impacts sur la vie quotidienne des habitants, comme sur les visiteurs et le secteur touristique ?
Autres liens de cause à effet, plus la température augmente, plus la productivité baisse.
Enfin, la note énergétique des villes monte avec les vagues de chaleur - les habitants cherchant la fraîcheur auprès de climatiseurs énergivores et favorisant le réchauffement climatique créant un boucle de rétroaction.
Un large éventail de solutions pour lutter et adapter nos villes aux hausses de température
Il existe pourtant déjà un panel assez riche de solutions pour agir et rafraîchir nos villes.
On peut identifier plusieurs leviers de réduction des îlots de chaleur urbain : les infrastructures, l'urbanisme, l'aménagement, la nature, le comportement humain.
(Source ADEME panorama des solutions rafraîchissantes).
Adapter le tissu urbain pour réduire les îlots de chaleur
On l’a bien compris, la composition des villes est le principal problème, mais bonne nouvelle, il est également le premier levier.
Il est possible de pallier aux problèmes évoqués plus haut de stockage de chaleur avec :
- des revêtements plus clairs et plus réfléchissants,
- un sol moins minéralisé et davantage perméable à l'eau,
- des espaces qui offrent des zones d’ombrages naturels et de circulation plus fraîches,
- l’ajout de mobilier urbain rafraichissant et créateur d'ombre,
- limitation de la circulation automobile.
Adapter le flux d'air et contourner le piège des grands boulevards
Le flux d’air, c’est souvent le facteur oublié des ilots de chaleur.
La sensation de chaleur s'intensifie lorsqu’il n’y a pas de vent, et l’architecture des villes a une influence importante sur les flux d’air.
Pas simple à mettre en œuvre car cela demande une planification sur le long terme, et parfois cela s'inscrit en contradiction avec d’autres éléments.
En résumant (et la réalité est souvent plus complexe), nous avons de plus en plus de villes se développant en mode “grand boulevard” : un axe pour les bus, un axe pour les pistes cyclables, un axe pour les piétons et un dernier pour les voitures.
Il y a un double avantage à avoir des petites rues : le premier, c’est qu’elles sont très facilement à l’ombre grâce aux immeubles.
Le second est que ces petites rues peuvent créer des “appels d’air” par effet Venturi, amenant un meilleur confort pour les usagers.
Donc les grands boulevards : oui pour les mobilités douces, mais moins bien pour les ilots de chaleur
Impact du cool roof sur la ville et les températures intérieures des bâtiments
Dans la liste des solutions pour adapter nos villes proposées par l’ADEME, on trouve les revêtements à albédo élevés.
Les surfaces noires, qui renvoient peu de rayonnement solaire, ont un albedo proche de zéro quand les surfaces claires, très réfléchissantes ont un albedo proche de 1.
L’idée est de remplacer ou de recouvrir les matériaux actuels par des matériaux plus clairs et réfléchissants davantage la lumière pour se préserver de l'absorption de chaleur.
Par cette action, les bâtiments et voiries ne stockent plus de chaleur, l’échange thermique matériau-air relevé la nuit est alors plus favorable.
Le cool roofing, c’est ce principe adapté aux toitures. Cela consiste en l’application d’une peinture réflective en toiture afin de gagner de précieux degrés l’été. Il s’agit d’une solution simple et rapide à mettre en œuvre et au fort pouvoir rafraîchissant. L’avantage de cette solution est qu'elle s’adapte à la ville existante et qu’elle peut s’appliquer sur tout type de toit.
La peinture cool roof permet de gagner en confort en extérieur, mais aussi en intérieur.
Petite explication, chaque matériau a une capacité à conserver la chaleur dans le temps (on parle d'inertie thermique) et à la transmettre aux matières environnantes (là c'est la conductivité).
Une matière emmagasinant et conservant longtemps la chaleur va la transmettre à l’air au-dessus, mais également réchauffer les couches inférieures et finira par atteindre l'air à l'intérieur du bâtiment. L’air se réchauffant en intérieur et restant chaud en extérieur, la température finit par grimper partout.
En protégeant vos toitures avec une peinture réflective cool roof, vous préservez les bâtiments des hausses de chaleur en intérieur et limitez le besoin de climatisation.
Magnifique non ?
Pour répondre à ces nouveaux défis à l’échelle de la ville, une solution consiste à renforcer la végétation et la présence de l’eau. En effet, les arbres et la présence d’eau atténuent les impacts des vagues de chaleur, autres avantages, ils jouent pour beaucoup sur le confort de vie des habitants et sur l’attractivité des villes.
Parcs, allées végétalisées, arbres en bord de route, pelouses et prairies, plans d’eau et autres fontaines… rafraichissent par l'évaporation et l'évapotranspiration qu'il créent. La ville de demain sera intégrera tous ces éléments à l’espace public pour ramener la fraîcheur et la nature en ville.
Le cas de toitures végétalisées
Il y a du bon et du moins bon dans les toitures végétalisés.
Commençons par le bon.
Elles ont un pouvoir drainant qui permet de décaler l’écoulement des eaux de pluie.
A l’échelle d’une ville, lors de fortes pluies, cela permet d’éviter que l’ensemble de l’eau se retrouve au même moment au même endroit. Un drainage naturel hyper intéressant.
Les toitures végétalisées contribuent à créer des habitats pour la faune, notamment les oiseaux, les insectes, et même certaines espèces de plantes. Bien qu'elles ne remplacent pas les écosystèmes naturels au sol, elles offrent un refuge aux espèces en milieu urbain et maximisent la diversité des espèces présentes dans la ville.
Mais les toitures végétalisés ont aussi des inconvénients.
- Fragmentation des habitats : Ces toitures ne sont pas connectées entre elles ni aux habitats naturels au sol, ce qui peut fragmenter les populations d'espèces et limiter les mouvements des animaux. Cela peut entraîner des problèmes génétiques et limiter le potentiel de colonisation par de nouvelles espèces.
- Îlots de chaleur : Même si les toitures végétalisées participent à diminuer les îlots de chaleur, leur impact à grande échelle est limité si elles ne sont pas largement adoptées dans une ville. De plus, l'installation et l'entretien de ces toitures nécessitent des ressources qui peuvent à leur tour favoriser les émissions de CO2, en particulier si des systèmes d'irrigation intensive sont nécessaires pour les maintenir.
- Structure des bâtiments : une toiture végétalisé demande un bâtiment permettant de porter le surpoids de ces toitures. Cela demande donc plus de matériaux (béton, poutres métalliques). Donc plus d’émissions de CO2, de réchauffement climatique et un surcout qui aurait pu aller vers d’autres solutions.
Concernant les ilot de chaleur, les toitures végétalisés ont un albedo faible, la chaleur est donc stockée dans les plantes.
L’intérêt des toitures végétalisés concerne l’évapotranspiration, un processus naturel des plantes. Grâce à leurs racines, elles absorbent l'eau présente dans le sol de la toiture. Ensuite, cette eau s'évapore à travers les feuilles des plantes sous forme de vapeur, rafraîchissant ainsi l'air environnant. En parallèle, le sol relâche aussi un peu d'humidité. Ce mécanisme aide à réduire la température du toit et à refroidir l'air autour, ce qui améliore le confort thermique du bâtiment et contribue, en théorie, à la lutte contre les îlots de chaleur.
Mais en pratique, des études montrent que la végétalisation des toitures n’apportent presque rien aux ilots de chaleur en ville.
Dans l’étude précédemment mentionnée “Heat-Mitigation Strategies to Improve Pedestrian Thermal Comfort in Urban Environments: A Review”, il est indiqué :
- De nombreuses études ont conclu que la meilleure stratégie pour améliorer le confort thermique est de déployer différents types de végétation, en mettant l'accent sur les arbres. En comparant les toits et les murs végétalisés, on peut généralement conclure que les toits végétalisés réduisent la consommation énergétique des bâtiments. Cependant, ils ont peu d'impact sur le confort thermique des piétons. Les murs végétalisés sont plus efficaces que les toits végétalisés pour améliorer les conditions thermiques dans les canyons urbains.
La dernière étude en date sur le sujet de l’université de Londres indique que si les toitures blanches “cool roof” étaient largement adoptés dans tout Londres, elles pourraient tempérer les températures extérieures d’environ 1,2 °C en moyenne dans la ville, et jusqu’à 2 °C dans certains endroits.
D’autres systèmes, comme une végétation extensive au niveau des rues ou des panneaux solaires, auraient un effet de refroidissement net plus faible, d’environ 0,3 °C seulement en moyenne dans toute la ville, bien qu’ils offrent d’autres avantages environnementaux.
De même, si les toits verts offrent des avantages tels que le drainage de l’eau et les habitats fauniques, leur effet de refroidissement net sur la ville s’est avéré négligeable en moyenne.
Donc les toitures végétalisés, c’est bien mais dans la pratique moins efficace sur le rafraichissement des bâtiments et des villes que des toitures claires de type cool roofs.
Jouer sur les comportements pour réduire les effets d'îlots de chaleur
Eduquer, le cœur de l’action pour les années à venir est bien là pour jouer sur l’impact humain amplifiant le phénomène d'îlot de chaleur urbain.
L’enjeu est de limiter les émissions de gaz à effet de serre dus aux activités urbaines humaines en repensant les usages routiers (qui induisent de la chaleur de par leur fonctionnement), limiter les recours à la climatisation (apprendre de nouvelles techniques pour rester au frais), adapter son comportement (limiter ses activités sportives en cas de forte chaleur, boire de l’eau, décaler ses horaires de travail et de sortie…)...